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  • De Paris à Bordeaux on passe par Tours et, à proximité, il y a le château de Chenonceau et le portrait de Louise Dupin (1706- 1799) peint par Jean-Marc Nattier

    De Paris à Bordeaux on passe par Tours et, à proximité, il y a le château de Chenonceau et le portrait de Louise Dupin (1706- 1799) peint par Jean-Marc Nattier

    Si par une belle journée de printemps ou d’été, on se rend de Paris à Bordeaux, on franchit la Loire à Tours, c’est l’occasion de faire une halte dans cette cité, de visiter son musée des Beaux-arts, où l’accueil est aimable et attentionné. Il se situe au 18, sur la place François Sicard, où l’on trouve de plus un excellent salon de thé-pâtisserie au numéro 1, Aux Délices des Beaux-Arts.

    Musée des Beaux-arts à Tours

    Angle de la place François Sicard, d’où l’on aperçoit les tours clochers de la cathédrale Saint Gatien.

    Aux délices des Beaux-arts au 1, place François Sicard à Tours

    Et en profiter pour visiter un château de la Renaissance, situé dans un rayon de 30 kms. J’ai choisi Chenonceau.  Amboise ce sera pour une autre fois.

    Le château de Chenonceau, photo de l’auteur.

    Je n’ai pas besoin de rappeler -merci pour la prétérition- que ce château de la Renaissance, construit en 1527 par Katherine Briçonnet et récupéré par le pouvoir royal, a été offert par le roi de France Henri II, fils de François 1er, à sa maîtresse Diane de Poitiers (qui avait 20 ans de plus que lui et avait été sa gouvernante).

    Le tourtereau. Portrait d’Henri II, roi de France (1519-1559), par François Clouet conservé à Florence (Palazzo Pitti, Inv. 3260). Le noir et le blanc étaient à la mode, ainsi que les bijoux, les diamants dans le chapeau plat, une sorte de béret. Une mode venue d’Italie et rapportée à la suite des guerres d’Italie menées par son père et lui-même. 

    La tourterelle. Je ne sais pas si le portrait est avantageux. En tout cas, elle fait son âge et on imagine difficilement un amour charnel torride. Bon pourquoi pas ?

    Celle-ci fit embellir par les deux frères architectes Philibert et Jean Delorme, le château d’origine, à deux tourelles, fenêtres à meneaux et pinacle de style gothique flamboyant, épaulé à la rive droite du Cher. Ils l’ont relié, par un pont de cinq arches de plein cintre, à la rive opposée du Cher.

    Très vite, après la mort d’Henri II qui mourra stupidement – lors d’un tournoi le 30 juin 1559 ; il  avait pile poil 40 ans et Diane de Poitiers la petite soixantaine –  Catherine de Médicis, sa femme, expédiera Diane de Poitiers au château voisin de Chaumont-sur-Loire, qui là-bas domine la Loire, et fera surmonter le pont de Diane de deux galeries superposées et d’un toit avec des chiens assis, abritant des combles ainsi ajourés. Naîtra alors un nouvel édifice de la même hauteur que le château d’origine, d’une longueur de 60 mètres.

    Catherine de Medicis est née le 13 avril 1519 à  Florence et morte le 5 janvier 1589 à Blois. Sur ce tableau elle est veuve ! Il ne s’agit donc pas de la mode en noir et blanc chère à son époux défunt; avec du noir et du blanc on peut faire des choses totalement opposées.

    C’est le château actuel dans toute son élégance. Sa façade de pierre blanche surgit d’une eau, aux reflets moirés de vert et d’ocre sombre. Le Cher sait bien qu’il ne pourra jamais engloutir cette construction, alors il écume un peu, vibrionne par ci par là, et participe au final, intimement, à la révélation d’une vision enchanteresse, qu’emporte ce joyau de la Renaissance.

    Photo de l’auteur

    Et cette surface liquide qui porte un ouvrage d’art à la beauté de carton-pâte.

    « L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive, il coule et nous passons » déclamait Lamartine sans savoir précisément de quoi parlait-il, mais comme il le dit lui-même, passons. Au reste le Cher a bien une rive, il coule et nous passons en effet par Chenonceau pour une visite de prestige.

    A  l’intérieur, on monte, d’un pas plus ou moins leste, les étages. Et on reste perplexes dans les galeries, qui ouvrent principalement… sur les seules chambres à coucher des reines, des maîtresses…Ces galeries sont plutôt vides de mobilier et de tableaux. Soudain voilà, sur la gauche, un tableau qui n’attire visiblement pas l’attention des visiteurs.

    Louise Fontaine, épouse de Claude Dupin. Tableau exposé au château de Chenonceau a été en fait réalisé d’après l’œuvre de Jean-Marc Nattier.

    Ce tableau m’évoquait quelque chose, de vagues souvenirs sont venus m’effleurer.

    Et cela me revient… c’est Jean-Jacques Rousseau qui parle tant de madame Dupin dans ses Confessions. C’est Louise Dupin, célèbre pour son salon littéraire au siècle des Lumières.

    Quentin de la Tour, Portrait de Jean-Jacques Rousseau, 1743, à l’époque où il fréquentait assidûment le salon de Mme Dupin

    En août 1742, Jean-Jacques avait tout juste trente ans quand il arriva à Paris. Il y restera jusqu’en 1756, où il ira vivre à l’Hermitage à l’invitation de Mme d’Epinay. C’est à cette époque qu’il fit la connaissance de Diderot, qui devint son ami avant qu’ils ne se brouillent. Mais il n’y en avait pas un pour rattraper l’autre sur le chapitre de l’amitié, il faut bien l’admettre. (je n’en donnerai qu’un seul exemple ; Parlant du Rousseau solitaire – il deviendra même un promeneur solitaire – Diderot écrit dans « Le Fils naturel » (drame bourgeois en cinq actes de 1757) : « il n’y a que le méchant qui soit seul » .

    Madame Dupin tint d’abord à l’hôtel Lambert, sur l’île Saint-Louis, un des salons les plus en vue de Paris. Mais revendu le 31 mars 1739, Rousseau ne l’aura donc pas connu.

    S’y pressaient la haute société et les hommes de lettres, comme Voltaire, Fontenelle ou Buffon.

    C’est à l’hôtel de Vins, rue Plâtrière à Paris, qu’elle recevait Jean-Jacques Rousseau. Hôtel de Vins qui portait le nom de son ancien propriétaire, le marquis de Vins d’Agoult de Montauban. Aujourd’hui Hôtel Dupin, au no 68 rue Jean-Jacques Rousseau.

    Hôtel Dupin, rue Plâtrière devenue rue Jean-Jacques Rousseau dans le premier arrondissement de Paris.

    Madame Dupin, même dans ce siècle des lumières, ne remit jamais en cause la monarchie absolue et réserva toujours ses faveurs à l’aristocratie.

    Rousseau écrit dans ses Confessions:«Mme Dupin était la fille de Samuel Bernard et de Mme Fontaine. Elle était la plus belle des trois filles et fut le prix de l’hospitalité de M. Dupin, comte de Francueil – à qui sa mère la donna avec une place de fermier général et une fortune immense, en reconnaissance du bon accueil qu’il lui avait fait dans sa province. »

    La réalité est bien différente. Claude Dupin était un financier très bien informé du fait que Samuel Bernard était un riche financier et que sa fille était un fort bon parti… Et la bonne aubaine pour ce brave Dupin, le voilà riche.

    Madame Dupin recevra Jean-Jacques Rousseau à Paris au mois de mars 1743. Il n’était pas alors le grand philosophe qu’il deviendra à partir de 1755 et la publication du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes. Il était le précepteur du fils de madame Dupin, Jacques-Armand Dupin de Chenonceaux âgé de 13 ans et le secrétaire et caissier de Claude Dupin. Il aidait monsieur et madame Dupin à rédiger leurs propres œuvres de réflexion politique et sociale.

    Madame Dupin rédigait notamment des écrits moraux comme « Idées sur le bonheur », « Idées sur l’amitié » « Idées sur l’éducation ». Elle a acquis de nos jours la réputation d’une auteur féministe.

    Madame Dupin contribua aux écrits de son mari Claude Dupin, auteur notamment en 1749 d’un ouvrage en deux volumes, « Réflexions sur quelques parties d’un livre intitulé de L’esprit des lois « , qui réfute les arguments développés par Montesquieu dans son traité  « De l’esprit des loi », publié l’année précédente, en 1748.

    Il  défend le système qui a fait sa fortune, la Ferme générale et les financiers, attaqués par Montesquieu, ainsi que la monarchie, tout en prenant soin de ne pas nommer le philosophe et observant pour lui-même, l’anonymat, en homme prudent et avisé.

    Montesquieu obtient la suppression de l’édition de Claude Dupin. Mais le livre de Montesquieu est mis à l’index en 1751 et le pape en interdit la lecture. Le fermier général publie en 1752, une nouvelle version plus modérée en trois volumes : Observations sur un livre intitulé, de l’Esprit des lois et cette critique, mieux argumentée, n’a pas connu le sort réservé à la première édition. Il va sans dire que cette confrontation provoque la rupture des relations entre Montesquieu et le couple Dupin.

    Enfin, Louis-Claude Dupin de Francueil, le fils d’un premier lit de M. Dupin et beau-fils de Mme Dupin voulait aussi que Rousseau se fit en quelque sorte son secrétaire pour l’aider à rédiger un livre de physique.

    Ces sollicitations tendent à montrer que Rousseau possédait quelques signalées qualités.

    Jean-Jacques Rousseau écrit d’ailleurs: « Ni M. Dupin ni Mme Dupin ne se souciaient de me laisser acquérir une certaine réputation dans le monde, de peur peut-être qu’on ne supposât, en voyant leurs livres, qu’ils avaient greffé leurs talents sur les miens. Cependant, comme Mme Dupin m’en a toujours supposé de très médiocres, et qu’elle ne m’a jamais employé autrement qu’à écrire sous sa dictée, ou à des recheches de pure érudition, ce reproche, surtout à son égard, eût été bien injuste ».

    Portrait de Jean-Jacques Rousseau,comme secrétaire du fermier général et auteur d’ouvrages politiques Claude Dupin, par François Guérin (1717-1801).

    Jean-Jacques Rousseau fait la lecture de L’engagement téméraire, sa propre comédie en trois actes, devant Madame Dupin dans un salon du château de Chenonceau, à l’automne 1747.

    Il écrit dans ses confessions: « En 1747 nous allâmes passer l’automne en Touraine, au château de Chenonceaux, maison royale sur le Cher, bâtie par Henri second pour Diane de Poitiers, dont on y voit encore les chiffres, et maintenant possédée par M. Dupin, fermier général. On s’amusa beaucoup dans ce beau lieu; on y faisait très bonne chère; j’y devins gras comme un moine. On y fit beaucoup de musique. J’y composai plusieurs trios à chanter, pleins d’une assez forte harmonie. On y joua la comédie. J’y en fis, en quinze jours, une en trois actes, intitulée l’Engagement téméraire, et qui n’a d’autre mérite que beaucoup de gaieté. J’y composai d’autre petits ouvrages, entre autres une pièce en vers, intitulée L’Allée de Sylvie, du nom d’une allée du parc qui bordait le Cher,  (Livre septième 1741-1747).

    Voici ce qu’en dit Madame d’Epinay : « La pièce de Jean-Jacques Rousseau a eu grand  succès. Ce n’est pourtant qu’une pièce de société. Je doute qu’elle pût réussir au théâtre. C’est l’ouvrage d’un homme de beaucoup d’esprit, et peut-être d’un homme singulier.  Je ne sais pas trop cependant si c’est ce que j’ai vu de l’auteur ou de la pièce, qui m’a fait juger ainsi.

    Il est complimenteur sans être poli, ou du moins sans avoir l’air.  Il est sans les usages du monde; mais il est aisé de voir qu’il a infiniment d’esprit. Il a le teint fort brun, et des yeux pleins de feu animent sa physionomie.

    Lorsqu’il a parlé et qu’on le regarde, il paraît joli;  mais lorsqu’on se le rappelle, c’est toujours en laid.

    On dit qu’il est d’une mauvaise santé, et qu’il a des maux de souffrance qu’il  cache avec soin, par je ne sais quel principe de vanité. C’est ce apparemment ce qui lui donne de temps en  temps en temps l’air farouche.

    La noblesse de robe coudoie la haute noblesse sans la tutoyer

    Un fermier général était à la tête d’une Compagnie (la Ferme Générale), qui achetait selon le principe de la vénalité des offices la charge de collecter les impôts indirects, la gabelle, sur le sel, les droits de douane, le décime, nouvelle appellation de la dîme prélevée autrefois au profit du clergé puis au XVIIIème siècle au bénéfice du roi etc… Le principal impôt direct, la Taille, assise sur les biens fonciers, était exclu de la Ferme générale (prélevée par l’intendant et le receveur général des finances dans les pays d’élections, comme la Touraine ou la Guyenne, et par les Etats dans les pays d’Etat, comme la Bretagne et la Bourgogne). Le fermier général avançait le montant de l’impôt au Roi et récupérait cette somme sur les assujettis. Il prenait au passage entre 13 à 14%.

    Tel était le rendement normal des fonds placés sans risque dans les fermes générales. On connaît la boutade de Voltaire dans la Vision de Babouc :  » Il y a dans Persépolis (à Paris) quarante rois plébéiens (les fermiers généraux) qui tiennent à bail l’empire de Perse (la France) et qui en rendent quelque chose au monarque ». Au reste le monarque, de son côté, utilisera l’argent obtenu d’abord pour mener une vie de cour fastueuse – et Marie-Antoinette en sera l’illustration- ensuite sera servie l’armée et enfin viendront les fontionnement et politiques économiques de l’Etat.

    Les fermiers généraux, comme beaucoup de titulaires d’office, n’appartenaient pas à la haute noblesse et ne faisait pas partie intégrante de la Cour. Elisabeth Badinter écrit dans sa préface aux «Contre-Confessions» de Madame d’Epinay : « Le monde dans lequel Louise (d’Epinay), plus précisément est celui des fermiers généraux qui incarnent la bourgeoisie luxueuse au sommet de la hiérarchie sociale, juste au-dessous de l’aristocratie de cour. Les ordres de la société étaient toujours soigneusement cloisonnés, on ne s’étonnera pas de voir qu’un fermier général, aussi riche soit-il, n’appartient pas à la classe des privilégiés auliques gravitant autour du roi. Cette bourgeoisie, comme la noblesse de robe, connaît peu de monde à la cour et son influence y est à peu près nulle ».

    La haute bourgeoisie financière mettra toutefois de l’acharnement pour obtenir des titres de noblesse. Et Dupin y parviendra.

    C’est cette situation qui explique qu’afin d’exister socialement culturellement et politiquement, on trouve aussi des salons littéraires philosophiques et scientifiques dans ces milieux. Mais selon le bon principe de la servitude volontaire exprimée par La Boétie, car ils profitaient largement du système, on se gardait de remettre en cause la monarchie absolue et un système où la société était divisée en ordres, alors même qu’on disposait de tous les éléments d’information et d’analyse pour les juger condamnables.

    Rousseau poursuit : « Elle était encore, quand je la vis pour la première fois, une des plus belles femmes de Paris. Elle me reçut à sa toilette. Elle avait les bras nus, les cheveux épars, son peignoir mal arrangé. Cet abord m’était très nouveau ; ma pauvre tête n’y tint pas ; je me trouble, je m’égare, et bref, me voilà épris de Madame Dupin. Mon trouble ne parut pas me nuire auprès d’elle, elle ne s’en aperçut point. Elle accueillit le livre et l’auteur, me parla de mon projet en personne instruite, chanta, s’accompagna au clavecin, me retint à dîner, me fit mettre à table à côté d’elle. Il n’en fallait pas tant pour me rendre fou. Je le devins.» (Confessions livre Septième).

    Voltaire ne sera pas en reste et fera l’éloge de Madame Dupin : « déesse de la beauté et de la musique ».

    Portrait de François Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778) tenant une édition de son œuvre, La Henriade en 1737, d’après Maurice Quentin de la Tour. Musée Antoine-Lécuyer, situé à Saint-Quentin (Aisne).

    Mais lui du côté de la beauté n’était pas un dieu. Rousseau non plus.

    Jean-Marc Nattier, un peintre d’histoire et une carrière dans le portrait

    Pour être peintre, il fallait avoir été reçu à l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture.

    A l’Académie, la peinture était divisée en genres hiérarchisés. La peinture d’histoire se situait tout en haut de la hiérarchie, car elle était censée demander un plus grand effort intellectuel de connaissance, d’interprétation et de composition. Le choix d’un sujet, dans l’histoire sainte et dans la mythologie gréco-romaine, ou bien dans l’histoire ancienne ou moderne, était examiné avec la plus grande attention par les membres de l’Académie. Le second genre était le portrait, puis les sujets moins « nobles » comme la « peinture de genre » (scène de la vie quotidienne). Venaient ensuite les genres dits « d’observation » qu’étaient la peinture de paysage, la peinture animalière et la nature morte.

    Ce sont donc les peintres d’histoire qui obtenaient les meilleures commandes royales, les postes d’enseignement les plus prestigieux et beaucoup d’avantages matériels. Seuls les peintres d’histoire pouvaient accéder aux plus hautes charges académiques, et ils profitaient en priorité des attributions d’ateliers, de logements, de places, de pensions et de distinctions.

    Une fois agréé par la présentation d’un premier ouvrage, l’artiste pouvait être reçu académicien, par l’approbation, dans un délai en principe d’une année, d’une nouvelle œuvre, dont le sujet avait été imposé ou accepté lors de l’agrément.

    Cette nouvelle œuvre devait être donnée par l’impétrant peintre. Ainsi l’Académie se trouva propriétaire d’un grand nombre de tableaux, notamment de peinture d’histoire, de mythologie ou d’allégorie. Le revers de la médaille, c’est que puisque l’œuvre devait être donnée à l’Académie, le peintre ne forçait pas son talent et les œuvres sont en général médiocres.

    A la Révolution, l’Académie a été supprimée puis rétablie sous la Restauration, mais les tableaux sont devenus propriété de l’Etat français, qui ne sut pas trop qu’en faire.

    C’est ainsi que la ville de Tours en récupéra un bon nombre, qui remplissent aujourd’hui toute une grande salle. On y trouve l’œuvre de Jean-Marc Nattier donnée à l’Académie royale de la peinture et de la sculpture.

    Jean-Marc Nattier, Persée, assisté par Minerve, pétrifie Phinée, 1718, huile sur toile, 113,5 cm  de hauteur x 146 cm de largeur, Musée des Beaux-Arts de Tours, propriété de la commune depuis un transfert de l’État en 2010.

    C’est une œuvre sur un thème mythologique, on a compris pourquoi, il n’avait en effet guère de choix. Elle illustre un épisode mythologique où Persée, sous la protection de Minerve, pétrifie Phinée en lui présentant la tête de Méduse. Ce moment dramatique met en avant les thèmes de courage, honneur et devoir, de quoi être reçu haut la main à l’Académie. Nattier crée un rythme dynamique dans la composition. Les figures de Persée et Minerve se tiennent au centre, symbolisant la maîtrise et la sérénité face au chaos qui règne au premier plan.

    On peut comparer le tableau de Nattier avec celui de Sebastiano Ricci, célèbre peintre vénitien, qui offrit à l’Académie la même année 1718 une œuvre, le « Triomphe de la Sagesse sur l’Ignorance », d’un baroque tardif, alors que l’œuvre de Nattier est plus classique. Son admission à l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture lui sera accordée le 18 mai 1718. Ce tableau, exposé au Louvre, qui malheureusement ne l’a pas donné à la ville de Tours, représente aussi Minerve, déesse de la « Sagesse », en laquelle à son tour s’identifie la France, qui incarne la « Vertu », laquelle écrase avec son pied l’« Ignorance », un homme aux oreilles d’animal.

    Lorsque l’on a compris que tous ces tableaux offerts à la ville de Tours sont des œuvres dont les sujets sont imposés, d’histoire ou de mythologie, qu’ils doivent être de facture classique; qu’ils doivent comprendre de nombreux personnages, présenter beaucoup d’accessoires peints avec précisions avec une richesse de détails , que la scène doit faire l’objet d’une scénographie et que le peintre l’a exécuté sans conviction parce qu’il s’agissait d’une  obligation, alors on n’a plus qu’à se laisser aller à contempler les œuvres, en rechercher l’originalité, la beauté dissimulée, l’élan artistique. Et on trouve véritablement beaucoup de choses.

    On peut regarder les voiles des vestales aux déshabillés antiques, leur doux négligé ici, le traitement virtuose des cotonnades et mousseline, là etc…. On peut observer que bien souvent les dessous prennent le dessus.

    On peut sourire en regardant le caractère pompeux de la Minerve en bleu de Nattier. Mais les Pompiers justement ne méconnaîtront pas la force artistique de ce genre. 

    Proust faisait remarquer – dans un amour de Swann – que le public ne connaît du charme et de la grâce des formes artistiques que « ce qu’il en a puisé dans les poncifs d’un art lentement assimilé ». Ici pour les poncifs c’est gagné, on s’y engloutit; mais comme on n’a plus rien à y perdre, oublions l’art classique et savourons les tableaux,  puisons dans notre imaginaire, dans notre expérience artistique propre et prenons tout notre plaisir.

    Ces peintures d’histoire et de mythologie ne rapportaient guère d’argent. Aussi Nattier se tourna-t-il vers les portraits, une frénésie de se faire portraiturer s’étant emparée de la noblesse de robe et de la bourgeoisie montante.

    Eh bien justement Louise Dupin se fit tirer le portrait. Et elle avait les moyens de payer un peintre de grand renom. Ce qu’elle fit.

    Jean-Marc Nattier, Madame Dupin,vers 1733. Elle a alors 27 ans . Ce portrait se trouvait au boudoir de l’hôtel Lambert

    On voit qu’elle a les lèvres très rouges et les joues teintées de rouge, ce qui aujourd’hui est fort commun. Mis à la mode par les « belles » et les « nymphes », le rouge était devenu le complément indispensable de la toilette féminine. Il était rigoureusement exigé à la Cour les jours de présentation.

    Le rouge comprenait d’aileurs une grande variété de qualités et de nuances : à la Cour il devait être très vif.

    Madame d’Epinay raconte que son mari l’obligea dès le lendemain de ses noces à mettre du rouge. Un de ses amis présent rapporte:  » Le mari tenait une boîte à rouge d’une main, une petite brosse de l’autre, sa femme fuyant et se fâchant qu’il exigeait qu’elle mît du rouge ».

    Montesquieu, quand il était président à mortier au Parlement de Bordeaux, avait fait la remarque qu’avec le rouge « aujourd’hui tous les visages sont les mêmes ».

    Le rouge de madame Dupin est vif en effet. A coup sûr, elle a mis du blanc au front. A la ville on suit bassement la mode de la cour.

    Le rouge a persisté, mais Nattier est vite tombé dans l’oubli, supplanté par les Boucher et autre Fragonard, autrement dit par le style rococo.

    Au reste, il n’est pas tombé dans un oubli complet. Somerset Maugham, dans son roman, « Le fil du rasoir » écrit en 1943 et publié un an après, on peut lire : « Il avait invité Marie-Louise de Florimond, qui associait à des relations irréprochables une immoralité notoire. Elle avait quarante ans, mais en paraissait dix de moins; elle avait hérité la beauté délicate de son aïeule dont le portrait, signé de Nattier, figurait maintenant dans l’une de collections les plus réputées d’Amérique ».

    Peut-être pensait-il en écrivant son roman au portrait, non pas d’une aïeule de la fictive Marie-Louise de Florimond de son roman, mais à une autre Marie-Louise, Marie-Louise de France.

    Jean-Marc Nattier, Madame Marie-Louise de France, 1748, Musée de Versailles.

    Et il y a bien air de famille avec le portrait de Louise Dupin, ici princesse de France sinon en grand appareil, du moins dans une robe éclatante chargée de volants, mais le même air de candeur et d’innocence. Mêmes lèvres rouges, mêmes joues rougies. Toutes pareilles.

    Quand à Proust, dans Sodome et Gomorrhe c’est le portrait de la duchesse de Châteauroux de Nattier qui est cité, « chef d’œuvre de Nattier fixant la duchesse en majestueuse et meurtrière déesse ».

    Jean-Marc Nattier, portrait de la duchesse de Chateauroux en chasseresse

    Une sorte de vacuité dans la physionomie, et de disponibilité physique de la jeune femme à l’air peu farouche. Peinture mi d’histoire mi-portrait à la gloire des plaisirs charnels pour plaire aux commanditaires.

    Mais il est temps de revenir au château de Chenonceau.

    .

    On se rapproche encore un peu et on peut entrer.

    Le château de Chenonceau et le XVIIIème siècle

    L’histoire et la vie de Louise Dupin illustrent la montée au XVIIIème siècle de la bourgeoisie financière et de la noblesse de robe, souvent liées par des mariages arrangés, pour former une nouvelle classe sociale.

    Comme l’a écrit Elisabeth Badinter, citée plus haut, l’ordre de la noblesse était cloisonné. Ce nouveau groupe social qui cherchait à échapper au monde roturier pour accéder à l’aristocratie, n’appartenait pas à la noblesse de cour, mais cherchait à s’en approcher, à « côtoyer les anges ». Toutefois, ils étayaient l’absolutisme royal, en singeaient les manières et profitaient de tous les privilèges possibles.

    A défaut d’avoir la vie de cour, son cérémonial, ses fêtes, son apparat, cette catégorie de riches, achetant les offices royaux et enrobés de titres aristocratiques également achetés, recevait, tenait salon, s’entichait de philosophie d’arts et menait grand train.

    Le château de Chenonceau est ainsi devenu la propriété et le nom de Chenonceaux (avec un x cette fois comme la ville) un titre d’aristocrates issus de la haute finance.

    Vue du château depuis les jardins de Catherine de Medicis

    L’ascenscion d’une famille de la haute finance

    Louise de Fontaine, qui deviendra madame Dupin par son mariage, est née à Paris le 28 octobre 1706 et morte au château de Chenonceau le 20 novembre 1799.

    Elle est la fille naturelle que la comédienne Marie-Anne-Armande Carton Dancourt eut avec le comte de Coubert, financier et banquier

    Joseph Vivien, Samuel Bernard (1651-1739) comte de Coubert, père naturel de Louise, musée des beaux-arts de Rouen

    Il est vêtu comme un aristocrate du grand siècle, de manière moins chatoyante – c’était un banquier- il regarde en coin le spectateur, alors qu’un aristocrate refuserait absolument, même en peinture, de croiser son regard avec celui du spectateur, il cherche à en imposer…

    Charles-André Van Loo, Portrait de Louis XV, après 1750 (né en 1710, il a alors la quarantaine et l’embonpoint d’un roi ventripotent ne va plus tarder. On notera avec amusement la quincaillerie des casques à la Bayard,comme au temps de François 1er.

    Le roi est peint de pied en cap. Son regard porte au loin et ignore le spectateur, son sujet à qui il est d’ailleurs fait interdiction de regarder le roi en face. Le portrait d’une société en somme.

    Les pères seuls décident du sort de leurs enfants. Aussi Louise Dupin n’a que16 ans quand elle épouse Claude Dupin le 1er décembre 1722 en l’église de Saint Roch à Paris.

    Pour ce quadragénaire, il est né le 8 mai 1686 et a donc vingt ans de plus que son épouse, veuf et père d’un fils de six ans, Louis Dupin de Francueil (si on s’interesse à ce personnage, c’est M. de Formeuse dans les Contre-confesions de Mme d’Epinay, sa maîtresse), cette situation est inespérée puisqu’elle est assortie de la charge de receveur général des finances.

    Claude Dupin devient fermier général le 1er octobre 1726. Samuel Bernard avance la caution de la Ferme à son protégé, pour un montant de 500 000 livres. Le financier abandonne quelques années plus tard la créance, en dispensant le couple de toute reconnaissance de dettes.

    Le 24 décembre 1728, Claude Dupin achète une charge de «conseiller secrétaire du Roy, Maison, Couronne de France et des finances », qui est un office vénal tout simplement. L’acquisition de cette charge lui permet d’obtenir la noblesse au premier degré, ainsi que sa descendance.

    Grâce à sa puissance financière, il va acquérir un ou plusieurs offices vénaux, et un titre de noblesse. La voie royale étant bien le titre de « Secrétaire du Roi » (il y en avait plus d’une centaine). Avec cette charge – fictive, aucun travail de secrétaire du roi n’était requis- était automatiquement octroyé la qualité de noblesse de robe. Ce qui de surcroît permettait d’échapper à certains impôts.

    Madame d’Epinay, dans ses Contre-confessions, une mine d’information – écrit : »Le comte de Lange, aussi vilain que riche, vient d’acheter une charge de secrétaire du Roi pour éviter de payer une partie des droits des droits d’une terre quil a en vue qui relève du Roi. Il ne manque ni messe, ni service, ni aucune des assemblées qui lui procurent son jeton ».

    Puis la descendance arrive. Louise donne naissance à un fils, le 3 mars 1727, Jacques-Armand Dupin de Chenonceaux. Le titre de noblesse apparaît alors pour ce fils. Il a changé son nom de Dupin de Francueil en Dupin de Chenonceaux.

    Ce sera de cet enfant dont Rousseau aura la charge de l’éducation en 1743.

    Le 12 avril 1732, Claude Dupin acquiert conjointement avec sa belle-mère, le prestigieux hôtel de Lambert, sur l’île Saint-Louis pour la somme de 140 000 livres. Le 9 juin 1733, il achète le  château de Chenonceau au duc de Bourbon pour 130 000 livres. (Diderot à sa mort sera à la tête d’une fortune de 200 000 livres, tout cela pour donner une petite idée des uns et des autres, Rousseau restera pauvre, c’est tout unart de ne pas s’enrichir)

    En 1738 Madame de Parabère, ruinée par la vie fastueuse qu’elle menait à la cour, vend à Claude Dupin le marquisat du Blanc et la châtellenie de Cors, situés aux limites du Berry et du Poitou. Le marquisat du Blanc comprend le château-Naillac

    Le château Naillac

    les châteaux de Roche, de Rochefort, de Cors, de Forges, des propriétés, fermes, étangs et terres, dont le montant total est de 555 000 livres, soit un coût équivalent à quatre fois l’achat de Chenonceau.

    Madame de Parabère; elle commence à s’empâter. Cheveux blancs à la mode rococo qui avait la faveur à la cour de Louis XV, lèvres rouges, teint blanc poudré. Elle porte un justaucorps avec un fermoir en broche muni de grosses perles, manches courtes et bouffantes. Apprêtée dans une robe aux plis durs, dont les couleurs ocre orangée rouge passent de l’une à l’autre par un jeu de nuances donnant un effet de cuirassee et rappelant la peinture grand siècle. Classique donc. Et le blanc légérement rosée sur la poitrine donne une illusion d’érotisme. Le fond bleu sombre renvoie à la peinture d’histoire ou mythologique. On reste bien à l’Académie de peinture et de sculpture.

    Apparemment, la collecte des impôts indirects en sa qualité de fermier général lui rapporte beaucoup d’argent. On s’étonnera alors peu que les systèmes de la ferme générale pour les impôts indirects et des receveurs généraux des finances pour les impôts directs seront, entre autres abus, la cible des révolutionnaires de 1789. Mais en raison du principe du respect de la propriété privée, principe intangible chez les révolutionnaires de 1789 (seul les biens du clergé feront exception), tous ces enrichissements resteront bien acquis.

    Louise Dupin a 37 ans et est richissime en 1743 quand Rousseau la rencontre à Paris.

    Madame Dupin menait déjà une vie fastueuse entre l’hôtel des vins rue Platrière, ses terres du marquisat du Blanc et le château de Chenonceau.

    Le plus naturellement du monde, étaient venus vers elle, des gens de lettres, des philosophes et des savants. Dans ce cercle et à ses dîners, Mme Dupin animait  les conversations, menait les débats. Et savait tenir la contestation dans des limites acceptables. Domestiques et laquais assuraient le service auprès de ces philospophes de salon. Tout pour le peuple rien par le peuple.

    La vie fastueuse de Louise Dupin et son salon littéraire

    Rousseau écrit : « L’entrée d’une maison opulente était une porte ouverte à la fortune ; je ne voulais pas dans ma situation, risquer de me la fermer. La maison de madame Dupin, aussi brillante alors qu’aucune autre dans Paris, rassemblait des sociétés auxquelles il ne manquait que d’être un peu moins nombreuses pour être l’élite dans tous les genres. Elle aimait à voir les gens qui jetaient de l’éclat, les grands, les gens de lettre, les belles femmes »

    Elle tint d’abord à l’hôtel Lambert, puis à Chenonceau et à l’Hôtel de Vins, un salon littéraire et scientifique des plus brillants. Elle recevait  notamment  Voltaire, l’abbé de Saint-Pierre Fontenelle, Montesquieu, Buffon, Marmontel, l’abbé de Mably, Condillac, Bernis. 

    Peinture de Madame Dupin par Jean-Marc Nattier avec la collaboration de sa fille. Ce portrait décorait la chambre de Mme Dupin au château de Chenonceau. Une seconde version de ce tableau existe, mais non signée, avec une variante. Madame Dupin est en effet représentée avec une foulque d’Amérique (une sorte de volatile) collection privée).

    On passe insensiblement du classicisme au roccoco, mais il faut choisir et Nattier reste entre deux eaux. C‘est plutôt kitsch.

    Détail du tableau précédent..les lèvres rouges…les doigts pianissimo…

    Et elle n’était  pas en reste avec une certaine aristocratie. Rousseau écrit : « on ne voyait chez elle que ducs, ambassadeurs, codons bleus (ordre de Saint-Louis). Mme la princesse de Rohan, Mme la comtesse de Forcalquier, Mme la maréchale de Mirepoix, la baronne d’Hervey, Madame de Brignolé, pouvaient passer pour ses amies. »

    Mais l’argent parfois cause bien de soucis, surtout à cause de la descendance

    Le 9 octobre 1749 à Paris en l’église Saint-Sulpice à Paris, Jacques-Armand, le fils de madame Dupin et l’élève de Rousseau en 1943, épouse Louise-Alexandrine-Julie de Rochechouart-Pontville, qui devient Mme de Chenonceaux. Elle sera une amie fidèle de Rousseau (voir Les Confessions).

    Parmi ses moindres défauts, il est joueur au point de perdre en une nuit, une très forte somme. Son père est obligé de vendre plusieurs de ses biens en 1750, pour honorer cette dette d’honneur.

    Les écarts de leur fils unique, qui se livre également à des spéculations risquées, se poursuivent. Claude Dupin est contraint de solliciter contre lui, une lettre de cachet – le père de Mirabeau fera la même chose quelques années plus tard pour son propre rejeton- et de le faire enfermer en 1762 dans la forteresse de Pierre Encise, sous prétexte de folie.

    Sa famille décide ensuite de faire expatrier Jacques-Armand le 26 octobre 1765 pour ses inconduites, à l’île de France (aujourd’hui île Maurice), où il meurt de la fièvre jaune, le 3 mai 1767.

    Le 25 février 1769, Claude Dupin meurt à Paris. Il laisse une fortune évaluée à plus de deux millions de francs-or. Il a 83 ans. Louise Dupin aura donc été mariée 43 ans à cet homme. Elle a 63 ans quand son vieux mari meurt ! Elle est riche peut-être, mais quelle drôle de vie.

    Louis-Claude Dupin de Francueil, le fils du premier lit de Samuel Dupin, le père de Louise Dupin dénonce le testament de son père, daté du 15 janvier 1768, et se porte héritier pour la moitié des biens. Ils seront partagés à la suite de la liquidation de la succession en 1772, entre Louise Dupin, son beau-fils Louis-Claude Dupin de Francueil et Dupin de Rochefort. Ce dernier est le fils unique de Jacques-Armand Dupin de Chenonceaux, le fils de Louise. Madame Dupin reçoit le domaine de Chenonceau avec son mobilier, le marquisat du Blanc et l’Hôtel de Vins.

    Le jeudi 18 septembre 1788, Claude Sophie Dupin de Rochefort, son petit-fils, meurt au château de Chenonceau, dans sa trente-huitième année.

    Avec la disparition de son petit-fils, sans postérité, Louise Dupin n’a plus de descendance directe.

    Après les massacres de septembre 1792, elle quittera Paris pour Chenonceau, le 11 septembre 1792, où elle s’installera définitivement en compagnie de sa nièce Madeleine-Suzanne Dupin de Francueil et ses petits-neveux René et Auguste Vallet de Villeneuve.

    Le tombeau de Madame Dupin dans le parc du château de Chenonceau. Le monument commandé par les petits-neveux de Villeneuve, est l’œuvre de l’architecte Broynard et du sculpteur Jean Pierre Monpellier.

    Madame Dupin transmet le domaine à son petit-neveu, le comte René François Vallet de Villeneuve (1777-1863) .

    Chenonceau restera dans la famille de Villeneuve jusqu’en 1864. Acquis en 1733 par Claude Dupin, il sera resté 131 ans dans la famille Dupin.

    L’histoire de cette ascension d’un groupe social n’est pas toujours reluisante, une fortune acquise en prélevant une part des impôts directs puis indirects, la quête incessante de biens et de titres aristocratiques, la vie d’une jeune femme mariée à 16 ans à un veuf de 40 ans et une descendance qui ruine rapidement cette ascension.

    D’ailleurs le château ne connût que peu d’embellissement sous les Dupin; ils ne réalisèrent rien, ne construisirent rien, ne favorisèrent guère les arts. Claude Dupin n’aura cherché qu’à accroître sa fortune, obtenir des titres et des propriétés.

    Tout cela sera vain. Reste la misère grandissante du peuple qui bientôt se révoltera.

    Il n’y rien à sauver de l’ère Dupin, si ce n’est le tableau de Madame Dupin et bien sûr…Jean-Jacques Rousseau.

    Et un dernier retour sur le passé de Chenonceau.

    Le château vu de derrière tel qu’il était déjà au XVIIIème siècle.

  • Le pont de pierre ouvre l’accès à la rive droite de la Gironde et clôt le XVIIIème siècle

    Le pont de pierre ouvre l’accès à la rive droite de la Gironde et clôt le XVIIIème siècle

    Bordeaux est une ville de pierre et un port tourné sur et vers l’Atlantique

    La réputation des vins de Bordeaux remonte à la présence anglaise en terres de Guyenne à la fin du Moyen-âge et notamment durant la guerre de cent ans. Cette activité viticole mit en relation les viticulteurs, les négociants et les courtiers étrangers.

    Au XVIIIème siècle, ceux-ci s’enrichirent aussi par le commerce triangulaire (esclaves et sucre des Antilles).

    La cité se transformera aussi par la volonté des intendants du roi.


    De belles avenues, des bâtiments publics et des hôtels particuliers seront édifiés.

    Le  pont de pierre construit de 1810 à 1822 franchit la Garonne et permet de relier le centre-ville au quartier de la Bastide, sur la  rive droite.

    L’ouvrage présente 17 arches construites sur 16 piles (bon exercice de calcul des intervalles sachant que le pont fait 487 mètres)

    Le commerce bordelais s’opposait jusqu’alors à un pont qui eût condamné la partie du port dela Lune située en amont de l’ouvrage. La rive droite, qui ne faisait pas partie de la ville de Bordeaux (c’était la commune de Cenon), n’avait pas d’activités autres qu’agricoles.

    Craignaient-ils aussi que l’épaulement du pont eût pour effet d’endiguer le port de la Lune?

    Si le principe en avait été arrêté au XVIIIème siècle, sa réalisation n’eut lieu qu’au début du XIXème siècle, construit sur ordre de Napoléon 1er  et  conçu par les ingénieurs Claude Deschamps et Jean-P Baptiste Billaudel.

    A cette date, un pont en pierre ne constituait plus une nouveauté.

    Le Pont neuf à Paris a été construit à la fin du XVIème siècle, est terminé au début du  XVIIème siècle et emballé par Christo au XXème siècle.

    Pont neuf emballé en 1985

    L’ancienneté d’un pont en pierre lui confère un parfum de mystère et parle à l’imagination. Léo Perutz a intitulé l’un de ses romans « La nuit sous le pont de Pierre ».

    Il s’agit du Pont Charles, construit au XIVème siècle sur la Moldau, qui relie la vieille ville de Prague au quartier de Malà Strana, au pied du château de Prague.

    « Le pont sur la Drina » est un roman d’Ivo Andric. Le pont de pierre, construit au début du XVIème siècle, relie les deux rives de la Drina mais aussi la Serbie et la Bosnie, et, à l’époque du roman, l’Orient à l’Occident.

    « A l’endroit où la Drina surgit de tout le poids de sa masse d’eau écumante, se dresse un grand pont de pierre aux courbes harmonieuses, reposant sur onze arches à larges travées ….Celui-ci a environ deux cent cinquante pas de longueur, et quelque dix pas de largeur, sauf en son milieu, où il s’élargit en deux terrasses parfaitement symétriques, doublant ainsi sa largeur.» (ce qui permettait de se croiser à cet endroit).

    Le pont dont il s’agit, pont Mehmed Pacha Sokolovic à Visegrad possède 11 arches dont les ouvertures sont de 11 et 15 mètres, ainsi qu’une rampe d’accès (rive gauche) de 4 arches pour une longueur totale de 179,5 m1. La largeur de chaussée du pont est de 6 mètres, avec un rebord de 60 cm de chaque côté. La largeur de la rampe d’accès est de 6,6 mètres.

    Côté amont, au milieu du pont, une extension rectangulaire..

    Côté aval, une extension rectangulaire permet de s’asseoir à plusieurs : lieu de repos ou de conversation. Ce sera l’un des lieux au cœur de roman d’’Andric

    Mais, à Bordeaux, des projets en vue de la construction d’un tel ouvrage d’art avaient eu lieu au cours du XVIIIème ce siècle.

    A ainsi été fait imprimé en 1776 par Sylvera ,le projet de sieur Silveyra pour l’établissement d’un pont sur la rivière de Garonne, au passage ordinaire de Bordeaux à la Bastide …Bordeaux, Vve Calamy, 1776, In-4 Labadie ( fiches)

    Huile sur toile de Jacques-Raymond Brascassat

    Avec les  candélabres et les balustrades dus à l’architecte Bertrand Nivelle en 1980, modifiant profondément l’image du pont

    Bordeaux, cité de pierre certes, mais les pierres proviennent de quelques centaines de kilomètres (calcaire blanc). L’approvisionnement en raison des coûts d’acheminement  est coûteux. Ce sera donc une ville de pierre et parfois de brique.

    Il en est allé ainsi du pont dit de pierre. De pierre et de brique. Mais pas de bric et de broc.

    La brique de parement extérieur provient de la vallée du Dropt. La pierre est extraite des carrières de Saint-Macaire, commune située à 47 kms au sud-est de Bordeaux.

    La pierre de Vianne est également utilisée pour cet ouvrage, et pour d’autres ponts de la région.

    La flèche de la basilique Saint Michel (fin du XVème siècle) et le pont de Pierre (487 mètres) construit par Cl. Deschamps, architecte de l’entrepôt Lainé.  On voit donc le lien entre négociants et architecture.

    Dans le  film de Jean-Paul Rappeneau « Bon voyage  » (2003),  le pont de pierre de Bordeaux est le théâtre d’un épisode de l’exode de juin 1940 vers Bordeaux.

    Le pont est géré,  à l’origine, selon un système qui porte la marque du XVIIIème siècle

    Le négociant bordelais Pierre Balguerie-Stuttenberg créa, en 1818, la Compagnie du pont de Bordeaux pour lever les financements privés nécessaires à l’achèvement des travaux, entamés par l’Etat, pour un montant de 2 millions de francs.

    En contrepartie de son financement aux travaux de construction du pont, la Compagnie du pont bénéficiera intégralement d’un droit de péage, alors même que l’Etat l’avait aussi financé. Un octroi était ainsi érigé à l’entrée du pont.

    Pierre Balguerie-Stuttenberg était un gros négociant, bien marié avec la fille d’un riche négociant en vin, dont il ajouta le nom au sien.

    Grâce à la fortune héritée de son père et de son capital de relations dans la haute bourgeoisie girondine, il la développe fortement dans le négoce des vins, des toiles et des denrées coloniales et la dirige jusqu’à sa mort en 1825.

    A la fin de l’année 1814, la société Balguerie, Sarget & Compagnie, fait construire et armer un navire, l’Africain, pour se lancer dans la traite négrière.

    Alors même que l’expédition fût finement préparée, le projet n’aboutira pas en raison des mesures prises durant les Cent-jours et la Deuxième Restauration qui interdiront la traite des noirs en 1815, et cela malgré ses efforts pour mener à bien son entreprise.

    « Notre navire reste tout prêt à mettre à la voile parce que notre cause est si bonne et si juste, que nous ne pouvons-nous refuser à l’espoir qu’au moins une expédition comme la nôtre si longtemps, si régulièrement faite et prête à mettre à la voile, obtiendra une juste exception, ou de bien justes indemnités » (courrier du 16 septembre 1815).

    Dans le même temps, en 1812, la société achète aux enchères le Château Gruaud-Larose dans le Médoc.

    Pierre Balguerie-Stuttenberg se voudra donc négrier en 1814.

    Pour juste récompense de son esprit d’entreprise, de nature bien variée voire controversée, une avenue portera son nom, le cours Balguerie-Stuttenberg. Au risque par les temps qui courent de voir sa statue déboulonnée et les plaques dudit cours dévissées.

    Du vin et des noirs davantage que du vin et des roses.

    Should that statue in the town square or around the corner stay or go?

    Walter Woodward un historien américain a soutenu que les statues devaient rester en place non pas pour célébrer un héros glorifié mais pour servir à l’éducation.

    On pourrait rétorquer que les statues controversées sont là depuis bien longtemps et qu’elles n’ont jamais éduqué quiconque.

    Toutefois abattre une statue peut n’avoir un effet que sur le coup ou pour un temps limité, l’oubli survenant  alors sans qu’aucune statue symbolique et mémorielle ne vienne plus alors alimenter le débat et rappeler à chacun des époques tragiques.

    Déjà, les statues subissent sans broncher beaucoup d’outrages dus aux intempéries, pluies, neige, grêle, vents de toutes forces, et le passage de milliers de véhicules ou seulement de passants est suffisant pour les corroder.

    L’histoire est chargée de souffrance, d’injustice, d’iniquité et d’inégalité…et de violence. A côté de la cruauté de certains acteurs, l’inventivité et la créativité d’autres ont aussi été  très riches,  un comportement n’excusant d’ailleurs pas l’autre.

    Il semble qu’il faille surtout réfléchir avant de les ériger ces satanées statues.

    Le pont de pierre après sa construction achevée en 1822.

    Le pont a échappé à la destruction lors de la seconde guerre mondiale, les troupes allemandes ayant prévu d’y installer une ligne d’explosifs dans le but de le faire exploser.

    De nombreuses modifications (élargissement, renforcement) ont été réalisées. En 1980, de nouveaux  candélabres et des gardes corps sont conçus par l’architecte Bertrand Nivelle.

    Tramway traversant le pont de pierre sous un ciel cyan

    Depuis mi-2018, le pont est ouvert aux tramways, vélos et piétons seulement, mais fermé à la circulation de trafic motorisé (exception faite des services d’urgence, taxis et bus.)

  • L’ancienne place royale Louis XV devenue place de la Bourse

    L’ancienne place royale Louis XV devenue place de la Bourse

    Les places royales en France sont l’une des manifestations les plus spectaculaires, notamment sous Louis XIV et Louis XV, du pouvoir monarchique absolu, par ailleurs divin et héréditaire. 

    Ces places, où s’érigeait la statue équestre du monarque qui en était le commanditaire, présentaient souvent au premier abord un aspect artificiel et pompeux que les architectes corrigeaient pour leur donner une tenue, une aération, des commodités, et leur rendre au final un aspect élégant et imposant.

    Les aménagements de ces places royales se sont poursuivis jusqu’à aujourd’hui et celles-ci sont devenues un peu partout des lieux de charme dans leur ville.

    Il en va ainsi de la place royale de Bordeaux devenue la place de la Bourse.

    En 2004, le tramway est arrivé sur la place et en 2006, un miroir d’eau y a été inauguré. C’est un des lieux les plus prestigieux de Bordeaux.

    Le miroir d’eau de Bordeaux – souvent imité et jamais égalé selon la formule éprouvée – est une pièce d’eau profonde reflétant la place de la Bourse  ainsi que les quais de Bordeaux. En fonctionnement depuis 2006, il présente une superficie de 3 450 m² et un réservoir souterrain de 800 mètres cubes.

    Créé par le spécialiste des fontaines Jean-Max Llorca, l’architecte Pierre Gangnet et l’urbaniste-paysagiste Michel Corajoud, le système permet de faire apparaître l’un après l’autre un effet miroir avec 2 cm d’eau sur une dalle en granit et un effet brouillard pouvant atteindre jusqu’à 2 mètres de hauteur. Il est aussi l’élément central des Quais, qui ont eux aussi été réaménagés par Michel Corajoud.

    Les places royales, volonté et représentation urbanistiques et architecturales du roi sous l’ancien régime

    Il fallait donner aux statues équestres des rois un emplacement digne d’eux – dans les grandes villes l’espace est précieux et limité- ; il fallait offrir un lieu vaste où l’effigie royale, dans son splendide isolement, régnât en maitresse absolue.

    Mais ce sera aussi sur une place royale, la place Louis XV, devenue place de la Concorde à Paris, que sonnera le glas de cette monarchie, avec l’exécution de Louis XVI, qui s’y déroulera le 21 janvier 1793.

    Sous Louis XIV et Louis XV, elles abritent des bâtiments de l’administration royale et des hôtels appartenant à la noblesse ou à de riches bourgeois.

    Les places royales étaient nombreuses en France, mais ont changé de nom, sauf à Pau, à la Révolution française, en même temps qu’ont été déboulonnées les statues équestres des monarques qui s’y trouvaient.

    A Bordeaux, c’est une statue en bronze et marbre des trois grâces qui a remplacé la statue de Louis XV.

    Fontaine des trois Grâces (1869). Le projet a été dessiné par l’architecte Louis Visconti, la sculpture réalisée par Charles Gumery (la partie basse a été confiée au sculpteur Amédée Jouandot. Ce sont les trois filles de Zeus, Aglaé, Euphrosine et Thalie, symbolisant la beauté, la joie et l’abondance. Les trois Grâces tiennent des jarres d’où l’eau s’écoule, et elles sont tournées vers la Garonne.

    Le bassin de la fontaine remplace le socle et les trois grâces, Louis XV et son cheval.

    Les places royales en France, sans aller toutefois jusqu’à atteindre la beauté des places de la Renaissance en Italie, de facture classique ou baroque, seront fastueuses.  

    Les places italiennes ont conservé leur aspect, leur caractère, leur cachet d’origine alors que les place royales française ont souvent été fortement modifiées.

    Les places royales à Paris

    La place des Vosges est la première place royale, créée sous Henri IV (il y a eu des prémices comme la place Dauphine).

    La place Vendôme sera créée sous Louis XIV, par le surintendant des bâtiments et ministre Louvois.

    On peut y voir le ministère de la justice et l’hôtel d’Evreux, aujourd’hui un palace qui organise des manifestations événementielles.  

    L’hôtel d’Évreux est un ancien hôtel particulier situé au no 19, place Vendôme, dans le 1er arrondissement de Paris. Il est construit pour le financier Antoine Crozat entre 1706 et 1708, par l’architecte Pierre Bullet derrière une façade conçue selon les plans de de Jules Hardouin-Mansart pour y loger sa fille et son gendre le comte d’Evreux.

    Première fortune de France à la fin du règne de Louis XIV, Antoine Crozat s’enrichira encore plus dans la traite négrière; il sera le plus important propriétaire terrien en Louisiane.

    Paris ne saurait donc guère reprocher à Bordeaux l’origine de sa prospérité au XVIIIème siècle. Paris profitera aussi abondamment des produits importés issus du commerce triangulaire et les taxes douanières profiteront aux finances royales.

    La demeure est destinée à sa fille Marie-Anne Crozat (1696-1729) et à son gendre Louis-Henri de la Tour d’Auvergne (1674-1753), comte d’Evreux. En effet, comme il était roturier, il a marié sa fille à un comte désargenté, ce fameux comte d’Evreux, qui redorera ainsi son blason. Celui-ci fera construire le palais de l’Elysée, qui deviendra la demeure de la marquise de Pompadour, puis la résidence des présidents de la République française. Les profits tirés de l’esclavagisme se trouvent sous les ors du palais de l’Elysée et cela n’a jamais ému aucun président de la République. Le fil rouge de la traite des noirs n’est pas encore totalement rompu.

    Pour un riche roturier, faire épouser sa fille par un noble était très recherché, ce qui témoigne de la place et de l’image que la noblesse détenait dans la société d’ancien régime.

    La place de la Concorde (1753-1763), sous Louis XV, donne sur le jardin des Tuileries, la Seine et l’avenue des Champs Elysées. L’architecte en est Jacques-Ange Gabriel et le sculpteur, pour la statue monumentale de Louis XV , qui s’y trouvait, a été réalisée en 1748, par  Bouchardon.

    On y trouve un bâtiment à caractère administratif, l’hôtel de la marine, et des hôtels à destination d’habitation, comme l’hôtel Crillon.

    Les places royales, Vendôme et de la Concorde sont les deux plus grandes places de France après une place qui n’est pas royale…La place des Quinconces à Bordeaux, plus grande place de France (mais pas d’Europe).

    La place Bellecour à Lyon

    La ville acquière en décembre 1658 «  le pré de Belle-court ». L’endroit est alors renommé place Louis-le-Grand, et orné d’une statue de bronze représentant le roi Louis XIV. Le roi sera ainsi toujours présent à Lyon. Autour de la place sont construits de nombreux édifices.

    Lors de la Restauration, la place s’orne d’une nouvelle statue de Louis XIV due au sculpteur François-Frédéric Lemot, inaugurée le 6 novembre 1825, on était sous Charles X.

    Louis XIV n’aura vraiment été à cheval que sur ses statues équestres et sur les tableaux peints dans la grande manière –

    La place de la libération à Dijon

    Cette place a été conçue vers 1686 sur les directives d’Hardouin-Mansart. Elle forme un demi-cercle à arcades.

    Elle reçut la statue royale avec piédestal en 1747. Déboulonnée, elle n’a pas été remplacée par une autre, comme cela a été le cas à Bordeaux  avec la statue des trois Grâces  du sculpteur Louis Visconti.

    Entre temps, une aile nouvelle avait été élevée par Jacques Gabriel pour les Etats.

    Cette nouvelle aile est pourvue d’un vaste portail encadré de pilastres à trophées et un grand escalier d’un rythme aisé à double palier (1738).

    Si on lève tête au-dessus du porche d’entrée de cette aile on lit « Palais des Etats de Bourgogne ».

    La Bourgogne, comme la Bretagne, était un pays d’Etat sous l’Ancien Régime; ce qui n’était pas le cas de la Guyenne – et de Bordeaux- qui était un pays d’élections, c’est à dire dont les impôts étaient gérés directement – sans Etats pour y consentir et les répartir – par les Intendants royaux.

    Après la guerre de cent ans, les rois de France ont immédiatement soumis – par la force des armées désormais libérées des guerres contre les Anglais, et elles ont alors pu s’occuper de leurs épisodiques anciens alliés les ducs de Bretagne et de Bourgogne- donc la Bourgogne.

    Lors de cette soumission à Louis XI en 1477, la Bourgogne a négocié certains privilèges, notamment le droit de consentir à l’impôt au travers de leurs Etats de province. Cela revêtait une importance principalement lors de la création de nouveaux impôts, comme le vingtième, le dixième. C’était une institution financière à côté du Parlement qui avait une compétence exclusivement judiciaire et administrative, à l’exclusion de toute compétence en matière économique et d’impôt, qui relevait des Etats de Bourgogne.

    Les Etats étaient une institution de l’Ancien Régime, dont on connaît le fonctionnement et les principes, au travers des Etats généraux réunis par Henri IV puis sous la Révolution française, sur le modèle de ceux réunis par Henri I,  par Louis XVI, qui se sont ouverts le 5 mai 1789. Réunion par ordres séparés la noblesse, le clergé et les Tiers Etat et vote par ordre (la première chose que demanderont les représentants des Etats généraux en 1789, c’est le doublement du Tiers Etat et le vote par tête).

    Les Etats provinciaux ne sont pas davantage des organes permanents. A Dijon ils se réunissaient une fois par an entre 3 jours et une semaine ( et même parfois seulement une fois tous les trois ans) . Toutefois il y avait une administration permanente qui gérait une partie des finances de la province, émettaient des emprunts et prenaient des décisions concernant des travaux publics

    Les Etats de Bourgogne étaient composés de trois chambres :

    • La Chambre du Clergé : présidée par l’évêque d’Autun, elle regroupait des dignitaires ecclésiastiques. Le bas clergé, on oublie. C’est l’évêque d’Autun qui était aussi le président des Etats généraux.  Allez une messe avant toute chose.
    •  La Chambre de la Noblesse : composée de nobles ayant des fiefs dans la province.
    • La Chambre du Tiers Etat : Présidée par le maire de Dijon, elle représentait les villes et les principaux contribuables

    Si l’on admet généralement que les Etats ont joué un rôle crucial dans la vie économique de la province , qu’ils ont représenté les intérêts des différentes classes sociales et joué un rôle de contrepouvoir à l’absolutisme et au centralisme, la réalité est plus triviale.   Comme le Parlement, les Etats ont contribué à figer les inégalités, une société séparée en trois ordres dont deux dotés de privilèges, et le troisième qui représentait plus de 90 pour cent de la population supportait le poids des deux autres ordres.

    Aux Etats, la noblesse et le Clergé s’employait à ne pas payer d’impôts ou peu. Et ils y réussissaient. Le Tiers Etat ployait sous les impôts.

    Aujourd’hui, si on s’enfile sous le porche, que l’on traverse la cour intérieure et qu’on se dirige vers la sortie opposée…

    Il est temps de revenir à la place de la Bourse à Bordeaux

    Un peu comme la place de la Concorde, ancienne place Louis XV qui donne sur la Seine et lui faisant face l’hôtel de la marine, la place de la Bourse est bordée d’un côté par les quais de la Gironde.

    et, du côté opposé,  le palais des douanes.

    L’édifice présente des colonnes colossales, c’est-à-dire qu’elles sont sur deux niveaux, la taille des fenêtres diminue quand on s’élève, ce qui accentue le caractère colossal du bâtiment.

    Sur le fronton de l’hôtel, on trouve une œuvre de Jacques Verbeck (1704-1771, né à Anvers puis a déménagé à Paris en 1716). Minerve protégeant les arts et Hermès protégeant le commerce. Ce sont les divinités tutélaires de la ville.

    Son style est caractérisé par une attention particulière aux détails et un riche décor rocaille. C’est le cas de son autre œuvre, la Fontaine de la Douane (1740)

  • C’est surtout le Bordeaux du XVIIIème siècle auquel on pense d’abord

    C’est surtout le Bordeaux du XVIIIème siècle auquel  on pense d’abord

    Préfecture du département de la Gironde et chef-lieu de la Région Nouvelle Aquitaine

    Ville : 265 328 habitants (2022)

    Agglomération bordelaise CUB : 1 022 000 habitants (2022).

    C’est une ville entre terre (forêt des Landes) et mer (l’Océan atlantique)  et située  sur  la Garonne qui est l’un des cinq grands fleuves français.

    Dans la ville, on repère très vite les échoppes, principalement construites entre le second empire et la première guerre mondiale, petites maison typiques, autrefois habitations d’ouvriers, d’artisans  ou de commerçants. On en trouve aussi dans les communes alentour, Talence, Bègles, Bouscat. Elles sont aujourd’hui très prisées.

    C’est une maison de plain-pied avec une façade en pierre calcaire blonde. La toiture à deux pentes est parallèle à la rue ; une imposte au-dessus de la rue apporte de la lumière dans le couloir. On devine une cave depuis la rue par la présence du soupirail ; elle permettait le stockage du charbon de chauffage. Le jardin se situe généralement derrière l’échoppe, le plus souvent invisible depuis la rue.

    Ici, une échoppe dans la série « L’intruse » réalisée par Shirley Monsarrat.

    Mais c’est le Bordeaux du XVIIIème siècle qui retient notre intérêt.

    Le grand théâtre de Bordeaux

    Le grand théâtre de Bordeaux. Inauguré le 7 avril 1780, il devait accueillir des drames lyriques. Commandé par le duc de Richelieu, gouverneur de Guyenne, à Victor Louis, qui s’est inspiré d’un vrai temple grec. Ce qui explique en partie la sécheresse des lignes et de la composition. Il est construit en style néoclassique. Les colonnades de style corinthien avec leurs feuilles d’acanthe. Les fenêtres entre les colonnades et les motifs sculpturaux sur la partie supérieure de la balustrade témoignent d’un style à l’italienne.

    Ce théâtre inspirera Garnier pour la construction de l’Opéra à Paris, sous Napoléon III. Mais l’œuvre de Garnier sera autre chose, composition aux formes plus variés, éclectiques, parfois ampoulées.

    Façade du palais Garnier, l’Opéra de Paris. Inauguré le 5 janvier 1875, plus d’u siècle après celui de Bordeaux.

    Il y a là quelque chose de grandiloquent, des colonnes, au second niveau, des colonnes plus petites donnant un effet de perspective, un rien de suffisance, dont le théâtre de Bordeaux est exempt. Mais on peut admirer la rutilence rococoisante du bâtiment.

    Claude Robin (1734-1818) : Fresque du Grand Théâtre de Bordeaux, 1780, représentant la ville de Bordeaux sous la protection d’Athéna et d’Hermès avec à ses pieds ses richesses : le vin, le commerce maritime et deux esclaves entravés comme des poulets qu’on va vendre à la foire. Certes, ils peuvent désormais voir les représentations théâtrales, maigre compensation au regard de l’ignominie de la condition qui leur aura été faite.

    C’est un mélange de peinture idyllique comme les faisait Poussin avec des couleurs tranchées, des jaunes, des bleus, des rouges éclatants pour les dieux représentés à la manière baroque et un paysage terrestre aux couleurs affadies, des blancs pâles, des ocres, des verts pâles. Un contraste dans les couleurs mais une proximité spatiale.

    Ce tableau n’a rien de propitiatoire. C’est seulement un mélange de mythologie de symbolique et d’étalage de la puissance économique de la ville.

    Ce sont les échanges commerciaux intercontinentaux, les marchandises, objets, animaux, hommes, qui sont ici soulignés. Et c’est à la fois l’économie de l’époque et un programme d’action et de pensée.

    A la Révolution française la ville sera occupée par les partisans de Robespierre. L’hôtel de l’Archevêché, devenu aujourd’hui l’hôtel de ville, était le siège du tribunal révolutionnaire. Cette période qui prit le nom de « an II » postérieurement dénommée « Terreur » a été aussi un moment d’immenses débats comme ceux sur l’enseignement obligatoire, l’abolition de l’esclavage. A Paris, dans cette période révolutionnaire, fut créé le Jardin des Plantes à partir du jardin botanique aménagé sous Louis XIII ; le Museum national d’histoire naturelle s’attela tout de suite à l’enseignement des sciences. En 1794, les spectacles d’animaux, jugés dégradants furent interdits dans les rues de la capitale. Des bêtes confisquées rejoignirent la ménagerie, à peine ouverte au public, les anciens propriétaires devenant les premiers soigneurs de ce zoo révolutionnaire.

    Jugez de l’effroi des « montagnards » arrivant à Bordeaux découvrant la fresque du grand théâtre avec ces images d’animaux exotiques, vendus pour en faire des fauves de foire, et des esclaves ligotés.

    Les nobles de l’Ancien Régime et les négociants girondins dans leur quasi-totalité soutenaient l’esclavagisme, avec de belles exceptions toutefois, comme André Daniel Laffon de Ladebat. Cet aspect de cette société, avec l’inégalité des hommes dès leur naissance, la vénalité des offices, le pouvoir entre les mains d’intendants et de gouverneurs arbitrairement nommés par le Roi – qui n’obéissait à personne et à qui tout le monde obéissait de gré ou de force – appelait un bouleversement de la société.

    Un XVIIIème siècle que l’on aime parce que l’absolutisme royal secondé par une noblesse intransigeante a disparu et il n’en reste plus que les monuments principalement néoclassiques de l’époque.

    Le cas de Montesquieu est éclairant. Depuis 1714, il remplissait les fonctions de magistrat à Bordeaux. Après des études chez les Oratoriens – société de prêtres séculiers, sans vœux, mais vivant en commun dans le but d’édifier leurs prochains par la prédication et l’enseignement ; selon moi c’était une sorte d’association paraclétique – mais on n’oratorien si on n’en sait rien.

    Il exerça la président de président à mortier au Parlement de Bordeaux, héritée de son oncle. Président à mortier, c’est-à-dire président de chambre à la Cour d’appel – le parlement de Bordeaux – il hérite tout simplement d’une des plus fonctions juridictionnelles les plus élevées, qui exigeaient d’avoir quatre quartiers de noblesse. Les études de droit cela vient après.

    Pour Montesquieu, la noblesse est un privilège naturel que l’on obtient par la voie de la naissance. Particulièrement hermétique à l’égalité des droits dès la naissance, tout le principe de partage du pouvoir doit dès lors être lu, chez lui, comme un partage de pouvoirs entre le roi et la haute noblesse. Cela s’appelle une fronde.

    Il renonça à son office  en 1726, mais il n’avait été actif que jusqu’en 1717 (à peine 3 ans, mais vu la peine qu’il s’était donné pour accéder à ce poste, cela se comprend) et eut seulement une activité intermittente, comme beaucoup d’autres hauts magistrats, jusqu’en 1724…et, après deux ans sans activité dans la juridiction, il quitta le parlement (Jean Dalat, Montesquieu, magistrat, au Parlement de Bordeaux, Archives des lettres modernes, n°132, Paris, Minard, 1971). .

    Tout cela était naturel à l’époque. Un président à mortier n’était aucunement tenu de siéger régulièrement au Parlement. Il pouvait déposer son mortier (toque de velours noir bordée d‘or) dans quelque casier et vaquer à d’autres occupations. L’été dans son vignoble et l’hiver à Paris, par exemple.

    Dans ses confessions (Livre septième 1741-1747), Jean-Jacques Rousseau rapporte qu’un de ses amis M. Damesin « gentilhomme savoyard, alors écuyer, et croit-il, favori de Mme la princesse de Carignan » lui fit faire la connaissance de « M. de Gasc, président à mortier au parlement de Bordeaux, et qui jouait très bien du violon…il eut la fantaisie d’apprendre la composition. Je lui donnais des leçons pendant quelques mois à Paris. ». S’adonner à la musique à Paris quelques mois vaut bien mieux que de présider une chambrede cour d’appel. Le justiciable patientera. Et oser critiquer un président à mortier possédant quatre quartiers de noblesse, vous n’y pensez pas.

    Anonyme, Portrait de Cardin Le Bret, Premier président du Parlement de Provence tenant dans sa main gauche son mortier, musée Carnavalet, Paris.

    Le bâtiment des Douanes de la Nouvelle Aquitaine et le musée des Douanes

    Le bâtiment  a été construit entre 1735 et 1738 spécifiquement pour accueillir la Ferme Générale, compagnie privée (d’affermage des impôts indirects) qui avançait le montant total de l’impôt au Roi et le récupérait sur les assujetis aux taxes, la gabelle, le décime etc… en se rémunéraint à hauteur de 4 à 5 % .. Le bâtiment était la porte d’entrée des marchandises transportées par bateaux et débarquées dans la halle pour y être contrôlées par les commis de la Ferme, ancêtres des douaniers.

    Le bâtiment abrite encore de nos jours la Direction Interrégionale des Douanes de la Nouvelle Aquitaine

    En 1984, l’institution des Douanes décide d’installer dans l’ancienne halle de dédouanement, au rez-de-chaussée, le premier musée national des Douanes. On passe ainsi souvent à Bordeaux du XVIIIème siècle à l’ère contemporaine.

    L’hôtel de ville de Bordeaux

    Façade de l’hôtel de ville de Bordeaux donnant sur la cour d’honneur.

    Le palais Rohan est un palais bordelais construit à l’origine pour l’archevêque Ferdinand maximilien Meriadec, prince de Rohan, entre 1771 et 1784. Hôtel de l’Archevêché jusqu’à la Révolution, puis siège du tribunal révolutionnaire en 1791, hôtel de la préfecture en 1800, palais impérial de Napoléon 1er en 1808 et palais royal en 1815 sous Louis XVIII, le palais Rohan devient hôtel de ville en 1835.

    Le bâtiment a été reconstruit au XVIIIème siècle, à l’emplacement de l’ancien hôtel de Rohan, par l’archevêque de Bordeaux, dans un agencement qui lui offrait un accès direct à l’église Saint André.

    En 1781, Ferdinand Maximilien Mériadec laisse sa place d’archevêque à  Jérôme Champion de Circé, qui jouera un grand rôle au début de la révolution française.

    Doté d’un portique, de colonnes ioniques et d’un fronton en demi-lune , il est de facture classique.

    Le palais est constitué d’un vaste corps de logis flanqué à l’avant de deux ailes basses en retour d’équerre qui le relient à une colonnade. La cour carrée ainsi délimitée est fermée par un portique d’ordre ionique à arcades ouvert côté rue, au centre duquel s’ouvre un portail monumental. De part et d’autre du portail d’entrée se trouvent deux niches occupées par Le Génie du commerce et de l’industrie et par Le Génie des sciences et des arts, œuvres du sculpteur Ecmont Sébastien Prévot (1869).

    A suivre….

  • L’embellissement urbain au XVIIIème siècle que donne le Tourny à Bordeaux

    L’embellissement urbain au XVIIIème siècle que donne le Tourny à Bordeaux

    Sous la monarchie absolue, dont le siècle de Louis XV a été l’acmé, les régions ou provinces n’avaient aucun organe d’admistration ou de gestion autonome. La province et la ville – celle-ci pourvue tout de même d’un maire, on se souvient de Montaigne- étaient sous l’autorité directe du Roi et administrées principalement par deux autorités qu’il nommait, le Gouverneur et l’Intendant.

    Ces postes ne sont pas des offices soumis au régime de la vénalité. Leurs titulaires sont nommés et révoqués à la discrétion du Roi.

    Le gouverneur (celui qui gouverne), représente le Roi dans la province. Il détient le pouvoir militaire et fait observer d’une main de fer une obéissance absolue du peuple au Roi. Comme le poids des impôts s’alourdissait naturellement et que de nouveaux impôts voyaient le jour, des révoltes populaires se produisaient épisodiquement, qu’il fallait bien que le gouverneur, bras armé du Roi, matât.

    Des rébellions venaient à avoir lieu, à la suite de pendaisons de gens du peuple injustement condamnés (on ne vérifiait guère l’existence matérielles des faits, une simple allégation à charge d’un maître et davantage d’un noble suffisait pour preuve – et c’était bien une volonté de maintenir une sociéte inégalitaire, car depuis Maïmonide on sait qu’il est nécessaire de vérifier la réalité des faits incriminant un prévenu), de pénurie alimentaire etc…C’est le gouverneur qui se chargeait de la répresion. Bien réprimé, le peuple était calmé pour un temps et les édits royaux étaient en général aisément enregistrés.

    Certes, le Parlement avait un droit de remontrances, mais depuis Louis XIV, pour qui l’idée de pouvoir absolu avait un sens,  celles-ci ne pouvaient être adressées au Roi qu’après l’enregistrement de l’édit contreversé. Adressées en pratique au Conseil du Roi, celui-ci les retournait en général sans en rompre le cachet de cire pour bien signifier au Parlement facétieux – mais il sera aussi bien souvent frondeur – que personne  à Paris ne les avaient lus.

    L’intendant ( tenant lieu…du Roi  )  est une sorte de super préfet de Région doublé d’un Président de Région.

    Il a, d’ailleurs, pour première fonction d’assurer l’enregistrement des édits royaux et d’en diligenter l’application. Si le Parlement hésite à y procéder, le gouverneur se rend avec sa troupe au sein même de l‘instance où il les fera enregistrer. Le Roi pourra en cas de sérieuses difficultés révoquer le premier président du parlement. Il pourra aussi opter pour des mesures radicales, exiler le Parlement, pour celui de Bordeaux,il le fera, ce sera à Condom.

    Les intendants de province connaissent leur apogée sous Louis XV. La France comptait alors 31 intendants, 23 en pays d’Etat, qui avaient des Etats provinciaux, c’est-à-dire un organisme chargé de répartir l’impôt direct et d’en prévoir en partie la destination  (Bretagne et Bourgogne, anciens duchés) et les Pays d’élections, où la gestion de l’impôt et des finances était directement géré par le seul intendant . C’était le cas de la Guyenne, donc de Bordeaux.

    L’intendant, c’est le Roi « présent dans sa province ». Il dispose d’un large pouvoir d’action. Mais, lorsque, bien établi, il reste longtemps en place, il a pu, dans certains cas, jouer un rôle pour la défense des intérêts locaux.

    Aussi, l’Intendant finit-il par avoir en réalité davantage de pouvoirs effectifs que le Gouverneur, bien souvent satisfait d’ailleurs de seulement tenir le glaive et d’avoir le pas protocolairement sur l’Intendant, ce qui comptait énormément sous l’ancien Régime.

    L’Intendant est souvent issu d’une famille appartenant à la noblesse parlementaire, d’épée bien sûr mais quelque peu aussi de robe. Il appartient à un mileu riche, interessé à la prospérité économique de la Région et à son image, donc à l’aménagement et l’embellissement de la ville. Outre sa fortune d’origine, l’Intendant se voit rémunéré par le Parlement, en raison de sa quallité de maître des requêtes;il reçoit des gages lors de la perception des redevances locales et dispose d’autres sources diverses de revenus que sa situation lui permet d’obtenir.  

    Son rôle d‘administrateur se double d’un pouvoir judiciaire, et il  a un pied dans le parlement, comme il en a un dehors, d’où, au reste, il affrontera ce même parlement au nom du Roi .

    Il gère les finances locales. Il contrôle la répartition de la taille, met en place les nouveaux impôts (la capitation depuis 1695, le dixième en 1710, par exemple) . Si dans les pays d’Etat, il y eut des heurts avec les Etats provinciaux, ce ne fut pas le cas à Bordeaux, la province,terre d’élections, n’ayant pas de tels Etats provinciaux.

    A noter que les impôts indirects faisaient l’attribution d’une ferme (affermage) par adjudication. Le fermier versait donc le montant total de l’impôt au Roi et se remboursait en prélevant l’impôt sur la population. Il n’avait aucun compte à rendre. La rémunération du fermier général s’élevait à unmontant se situant dans une fourchette de 13 à 14% du montant récolté.- à côté du fermier général, il y a avait le fermier du tabac etc…)

    Il s’occupe de l’industrie et du commerce. On sait que l’Etat joue un rôle important dans l’encouragement des manufactures depuis Colbert (sous  Henri IV aussi déjà).

    Il a une mision d’administration territoriale en général.

    Aussi, lorsque, bien établi, il reste longtemps en place,  il peut remplir une oeuvre durable et variée, notamment en matière d’urbanisme et de mécénat culturel.

    C’est le cas, par exemple du marquis de Tourny, né Louis-Urbain Aubert , né aux Andelys, près de Paris, Intendant à Limoges en 1719, – il n’est en rien d’origine bordelaise- et c’est toutefois muni d’une forte expérience qu’il deviendra Intendant à Bordeaux de 1743 à 1757, et contribuera au renom de Bordeaux ; son fils, Claude-Louis Aubert de Tourny lui succèdera.

    Il a poursuivi l’oeuve de son prédécésseur, l’Intendant Boucher, et initié de grands projets de transformation de la ville notamment en supervisant la  destruction des remparts de la ville – ce qu’il en restait, Louis XI s’était déjà chargé de les démolir pour asseoir son pouvoir sur la ville –  initiant  la construction de nouvelles portes de la ville, l’aménagement des quais de la Garonne, la création des places Tourny, Gambetta et Victoire.

    Il a ouvert des avenues pour améliorer la circulation et créé le jardin public, qui était à l’origine un jardin royal, facilitant l’accès entre le centre ville et le quartier des Chartrons. On se demande comment c’était avant Tourny.

    Thomas Carlton, Portrait de Louis-Urbain Aubert, marquis de Tourny (1695-1760), Intendant à Bordeaux de 1743-1757, huile sur toile, Bordeaux, musée des Beaux-Arts.

    Ce portait présumé de l’intendant Tourny qui entame en 1753 les travaux d’embellissement des quais de la Garonne possède un cadre très particulier : il est orné du blason de la ville de Bordeaux. Y figurent le léopard de Guyenne en référence à l’occupation anglaise de la région pendant trois siècles, la Grosse Cloche et sous sa herse un croissant de lune. Lorsqu’elle coule à Bordeaux, la Garonne forme en effet une courbe très marquée. Cette particularité géographique justifie l’appellation Port de la lune donnée à la ville dès le Moyen-Âge.

    L’Intendant de Tourny : Origine et parcours classiques d’un Intendant au temps de Louis XV

    L’absolutisme royal avait instauré un mécanisme de nomination des Intendants de nature à assurer son pouvoir sans partage.

    Son père, le marquis de Tourny, seigneur de La Falaize, Carcassonne, Mercey et autres lieux qu’on voudra bien, est receveur général des Finances de la généralité de Caen , puis président en la Cour des comptes aides et finances de Normandie, un office vénal. C’est donc d’un noble, riche et détenteurs d’emplois rémunérateurs dont l’intendant de Tourny est le fils.

    Lui-même, né en 1795, a commencé sa carrière à Paris. Très tôt, en 1719 à 24 ans, il est membre du Grand Conseil du Roi (précisément l’organe de  l’Etat qui, notamment, renvoie aux Parlements leurs lettres de remontrances sans les ouvrir et qui, à côté des ministres, est le centre du pouvoir administratif royal). Il sera nommé Intendant à Limoges en 1730. En 1743, quand il arrive à Bordeaux c’est donc un homme d’âge mur, d’expérience et d’autorité.

    Statue en marbre installée en 1825 au centre de la place Tourny à Bordeaux.

    L’inscription présente sur la façade ouest du piédestal est la suivante : “ La Ville de Bordeaux / à / Louis-Urbain-Aubert de Tourny / Intendant de Guyenne / de 1743 à 1757”. Nous retrouvons sur la façade est une seconde inscription que voici : “Cette statue a été inaugurée / le 27 mars 1900 / M. Berniquet, Préfet de la Gironde / M.C. Cousteau, Maire de Bordeaux en remplacement de celle érigée / le 27 juillet 1825 / M. le Baron d’Haussez, Préfet / M. le Vicomte du Hamel, Maire”

    Nous retrouvons deux inscriptions dûes à l’histoire de cette dernière. En 1825, est installée la première statue de Tourny par J.C. Marin. Plus d’un demi-siècle plus tard la réalisation d’une seconde statue en bronze a été confiée au sculpteur Gaston Leroux. La raison, la modification de la place Tourny ainsi que la surélévation des immeubles l’ont rendu “trop petite” aux yeux de certains. Le 27 mars 1900, est inaugurée la seconde statue, vivement critiquée, en raison d’un visage qui ne correspond pas aux portraits authentiques du marquis.

    Nous voilà de plain-pied dans la ville de Bordeaux

    sous  l’empire

    du meilleur

    et du pire

    comme ailleurs