Les places royales en France sont l’une des manifestations les plus spectaculaires, notamment sous Louis XIV et Louis XV, du pouvoir monarchique absolu, par ailleurs divin et héréditaire.
Ces places, où s’érigeait la statue équestre du monarque qui en était le commanditaire, présentaient souvent au premier abord un aspect artificiel et pompeux que les architectes corrigeaient pour leur donner une tenue, une aération, des commodités, et leur rendre au final un aspect élégant et imposant.
Les aménagements de ces places royales se sont poursuivis jusqu’à aujourd’hui et celles-ci sont devenues un peu partout des lieux de charme dans leur ville.
Il en va ainsi de la place royale de Bordeaux devenue la place de la Bourse.


En 2004, le tramway est arrivé sur la place et en 2006, un miroir d’eau y a été inauguré. C’est un des lieux les plus prestigieux de Bordeaux.
Le miroir d’eau de Bordeaux – souvent imité et jamais égalé selon la formule éprouvée – est une pièce d’eau profonde reflétant la place de la Bourse ainsi que les quais de Bordeaux. En fonctionnement depuis 2006, il présente une superficie de 3 450 m² et un réservoir souterrain de 800 mètres cubes.
Créé par le spécialiste des fontaines Jean-Max Llorca, l’architecte Pierre Gangnet et l’urbaniste-paysagiste Michel Corajoud, le système permet de faire apparaître l’un après l’autre un effet miroir avec 2 cm d’eau sur une dalle en granit et un effet brouillard pouvant atteindre jusqu’à 2 mètres de hauteur. Il est aussi l’élément central des Quais, qui ont eux aussi été réaménagés par Michel Corajoud.


Les places royales, volonté et représentation urbanistiques et architecturales du roi sous l’ancien régime
Il fallait donner aux statues équestres des rois un emplacement digne d’eux – dans les grandes villes l’espace est précieux et limité- ; il fallait offrir un lieu vaste où l’effigie royale, dans son splendide isolement, régnât en maitresse absolue.
Mais ce sera aussi sur une place royale, la place Louis XV, devenue place de la Concorde à Paris, que sonnera le glas de cette monarchie, avec l’exécution de Louis XVI, qui s’y déroulera le 21 janvier 1793.
Sous Louis XIV et Louis XV, elles abritent des bâtiments de l’administration royale et des hôtels appartenant à la noblesse ou à de riches bourgeois.
Les places royales étaient nombreuses en France, mais ont changé de nom, sauf à Pau, à la Révolution française, en même temps qu’ont été déboulonnées les statues équestres des monarques qui s’y trouvaient.
A Bordeaux, c’est une statue en bronze et marbre des trois grâces qui a remplacé la statue de Louis XV.

Fontaine des trois Grâces (1869). Le projet a été dessiné par l’architecte Louis Visconti, la sculpture réalisée par Charles Gumery (la partie basse a été confiée au sculpteur Amédée Jouandot. Ce sont les trois filles de Zeus, Aglaé, Euphrosine et Thalie, symbolisant la beauté, la joie et l’abondance. Les trois Grâces tiennent des jarres d’où l’eau s’écoule, et elles sont tournées vers la Garonne.
Le bassin de la fontaine remplace le socle et les trois grâces, Louis XV et son cheval.


Les places royales en France, sans aller toutefois jusqu’à atteindre la beauté des places de la Renaissance en Italie, de facture classique ou baroque, seront fastueuses.
Les places italiennes ont conservé leur aspect, leur caractère, leur cachet d’origine alors que les place royales française ont souvent été fortement modifiées.
Les places royales à Paris
La place des Vosges est la première place royale, créée sous Henri IV (il y a eu des prémices comme la place Dauphine).
La place Vendôme sera créée sous Louis XIV, par le surintendant des bâtiments et ministre Louvois.
On peut y voir le ministère de la justice et l’hôtel d’Evreux, aujourd’hui un palace qui organise des manifestations événementielles.
L’hôtel d’Évreux est un ancien hôtel particulier situé au no 19, place Vendôme, dans le 1er arrondissement de Paris. Il est construit pour le financier Antoine Crozat entre 1706 et 1708, par l’architecte Pierre Bullet derrière une façade conçue selon les plans de de Jules Hardouin-Mansart pour y loger sa fille et son gendre le comte d’Evreux.

Première fortune de France à la fin du règne de Louis XIV, Antoine Crozat s’enrichira encore plus dans la traite négrière; il sera le plus important propriétaire terrien en Louisiane.
Paris ne saurait donc guère reprocher à Bordeaux l’origine de sa prospérité au XVIIIème siècle. Paris profitera aussi abondamment des produits importés issus du commerce triangulaire et les taxes douanières profiteront aux finances royales.
La demeure est destinée à sa fille Marie-Anne Crozat (1696-1729) et à son gendre Louis-Henri de la Tour d’Auvergne (1674-1753), comte d’Evreux. En effet, comme il était roturier, il a marié sa fille à un comte désargenté, ce fameux comte d’Evreux, qui redorera ainsi son blason. Celui-ci fera construire le palais de l’Elysée, qui deviendra la demeure de la marquise de Pompadour, puis la résidence des présidents de la République française. Les profits tirés de l’esclavagisme se trouvent sous les ors du palais de l’Elysée et cela n’a jamais ému aucun président de la République. Le fil rouge de la traite des noirs n’est pas encore totalement rompu.
Pour un riche roturier, faire épouser sa fille par un noble était très recherché, ce qui témoigne de la place et de l’image que la noblesse détenait dans la société d’ancien régime.

La place de la Concorde (1753-1763), sous Louis XV, donne sur le jardin des Tuileries, la Seine et l’avenue des Champs Elysées. L’architecte en est Jacques-Ange Gabriel et le sculpteur, pour la statue monumentale de Louis XV , qui s’y trouvait, a été réalisée en 1748, par Bouchardon.
On y trouve un bâtiment à caractère administratif, l’hôtel de la marine, et des hôtels à destination d’habitation, comme l’hôtel Crillon.
Les places royales, Vendôme et de la Concorde sont les deux plus grandes places de France après une place qui n’est pas royale…La place des Quinconces à Bordeaux, plus grande place de France (mais pas d’Europe).
La place Bellecour à Lyon
La ville acquière en décembre 1658 « le pré de Belle-court ». L’endroit est alors renommé place Louis-le-Grand, et orné d’une statue de bronze représentant le roi Louis XIV. Le roi sera ainsi toujours présent à Lyon. Autour de la place sont construits de nombreux édifices.

Lors de la Restauration, la place s’orne d’une nouvelle statue de Louis XIV due au sculpteur François-Frédéric Lemot, inaugurée le 6 novembre 1825, on était sous Charles X.


Louis XIV n’aura vraiment été à cheval que sur ses statues équestres et sur les tableaux peints dans la grande manière –
La place de la libération à Dijon

Cette place a été conçue vers 1686 sur les directives d’Hardouin-Mansart. Elle forme un demi-cercle à arcades.


Elle reçut la statue royale avec piédestal en 1747. Déboulonnée, elle n’a pas été remplacée par une autre, comme cela a été le cas à Bordeaux avec la statue des trois Grâces du sculpteur Louis Visconti.
Entre temps, une aile nouvelle avait été élevée par Jacques Gabriel pour les Etats.


Cette nouvelle aile est pourvue d’un vaste portail encadré de pilastres à trophées et un grand escalier d’un rythme aisé à double palier (1738).


Si on lève tête au-dessus du porche d’entrée de cette aile on lit « Palais des Etats de Bourgogne ».
La Bourgogne, comme la Bretagne, était un pays d’Etat sous l’Ancien Régime; ce qui n’était pas le cas de la Guyenne – et de Bordeaux- qui était un pays d’élections, c’est à dire dont les impôts étaient gérés directement – sans Etats pour y consentir et les répartir – par les Intendants royaux.
Après la guerre de cent ans, les rois de France ont immédiatement soumis – par la force des armées désormais libérées des guerres contre les Anglais, et elles ont alors pu s’occuper de leurs épisodiques anciens alliés les ducs de Bretagne et de Bourgogne- donc la Bourgogne.
Lors de cette soumission à Louis XI en 1477, la Bourgogne a négocié certains privilèges, notamment le droit de consentir à l’impôt au travers de leurs Etats de province. Cela revêtait une importance principalement lors de la création de nouveaux impôts, comme le vingtième, le dixième. C’était une institution financière à côté du Parlement qui avait une compétence exclusivement judiciaire et administrative, à l’exclusion de toute compétence en matière économique et d’impôt, qui relevait des Etats de Bourgogne.
Les Etats étaient une institution de l’Ancien Régime, dont on connaît le fonctionnement et les principes, au travers des Etats généraux réunis par Henri IV puis sous la Révolution française, sur le modèle de ceux réunis par Henri I, par Louis XVI, qui se sont ouverts le 5 mai 1789. Réunion par ordres séparés la noblesse, le clergé et les Tiers Etat et vote par ordre (la première chose que demanderont les représentants des Etats généraux en 1789, c’est le doublement du Tiers Etat et le vote par tête).
Les Etats provinciaux ne sont pas davantage des organes permanents. A Dijon ils se réunissaient une fois par an entre 3 jours et une semaine ( et même parfois seulement une fois tous les trois ans) . Toutefois il y avait une administration permanente qui gérait une partie des finances de la province, émettaient des emprunts et prenaient des décisions concernant des travaux publics
Les Etats de Bourgogne étaient composés de trois chambres :
- La Chambre du Clergé : présidée par l’évêque d’Autun, elle regroupait des dignitaires ecclésiastiques. Le bas clergé, on oublie. C’est l’évêque d’Autun qui était aussi le président des Etats généraux. Allez une messe avant toute chose.
- La Chambre de la Noblesse : composée de nobles ayant des fiefs dans la province.
- La Chambre du Tiers Etat : Présidée par le maire de Dijon, elle représentait les villes et les principaux contribuables
Si l’on admet généralement que les Etats ont joué un rôle crucial dans la vie économique de la province , qu’ils ont représenté les intérêts des différentes classes sociales et joué un rôle de contrepouvoir à l’absolutisme et au centralisme, la réalité est plus triviale. Comme le Parlement, les Etats ont contribué à figer les inégalités, une société séparée en trois ordres dont deux dotés de privilèges, et le troisième qui représentait plus de 90 pour cent de la population supportait le poids des deux autres ordres.
Aux Etats, la noblesse et le Clergé s’employait à ne pas payer d’impôts ou peu. Et ils y réussissaient. Le Tiers Etat ployait sous les impôts.


Aujourd’hui, si on s’enfile sous le porche, que l’on traverse la cour intérieure et qu’on se dirige vers la sortie opposée…



Il est temps de revenir à la place de la Bourse à Bordeaux
Un peu comme la place de la Concorde, ancienne place Louis XV qui donne sur la Seine et lui faisant face l’hôtel de la marine, la place de la Bourse est bordée d’un côté par les quais de la Gironde.

et, du côté opposé, le palais des douanes.

L’édifice présente des colonnes colossales, c’est-à-dire qu’elles sont sur deux niveaux, la taille des fenêtres diminue quand on s’élève, ce qui accentue le caractère colossal du bâtiment.
Sur le fronton de l’hôtel, on trouve une œuvre de Jacques Verbeck (1704-1771, né à Anvers puis a déménagé à Paris en 1716). Minerve protégeant les arts et Hermès protégeant le commerce. Ce sont les divinités tutélaires de la ville.
Son style est caractérisé par une attention particulière aux détails et un riche décor rocaille. C’est le cas de son autre œuvre, la Fontaine de la Douane (1740)



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